Le Monde  23.12.08. Les défricheurs (2).

Inventeurs, penseurs, chercheurs, ils explorent de nouvelles pistes, qui convergent vers un but commun : vivre mieux demain sans hypothéquer les chances des futures générations d'en faire autant.

Jean Claude Ameisen, la science au service des plus vulnérables

Il s'enthousiasme des progrès de la science, mais sait aussi s'en méfier : "Parce qu'elle tente d'expliquer le monde de l'extérieur, la science peut être facteur de déshumanisation." Les yeux, très bleus, brillent d'intelligence, la parole coule de source. Jean Claude Ameisen, 57 ans, est intarissable sur ce qui le passionne, et peu de choses ne le passionnent pas.        
Médecin, chercheur, professeur d'immunologie à l'université Paris-Diderot, il est aussi président du comité d'éthique de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et membre du Comité consultatif national d'éthique. Cela suffirait à beaucoup. Lui a trouvé le temps, à la rentrée, de publier deux livres. Conduits par la même écriture, poétique, libre et émotive.  
Le premier, Dans la lumière et les ombres (Fayard/Seuil, 500 p., 23€), revisite la genèse de l'œuvre de Darwin. Le second, Les Couleurs de l'oubli (Les Éditions de l'Atelier, 128 p., 24,90€), nous entraîne radicalement ailleurs. Cosigné par François Arnold, artiste plasticien animant, à l'âge de 80 ans, un atelier dans un hôpital gériatrique de la région parisienne, il donne à voir les peintures de personnes très âgées, la plupart atteintes de la maladie d'Alzheimer. Une aventure artistique et humaine qui a bouleversé cet ancien pneumologue, lui confirmant que même au seuil de la mort et de la perte de mémoire, " le pari sur la personne fait apparaître la personne".     
"De même que les dessins d'enfants témoignent de leur créativité, leurs tableaux prouvent que ces vieillards profondément handicapés ont une vie intérieure très riche. Publier leurs œuvres, c'est permettre à ceux qui les fréquentent de retrouver le chemin de l'empathie",
affirme M. Ameisen. Aider les personnes vulnérables, ne pas confondre "le don avec l'investissement" : pour cet homme de conscience plus encore que de science, c'est là un fil d'Ariane. Un fil que la société française oublie trop souvent de suivre - elle qui "abandonne ses SDF, enferme ses malades mentaux, scolarise mal ses handicapés et isole ses personnes âgées à la périphérie des grandes villes" -, alors qu'il devrait, au contraire, guider toute notre morale collective.     
Tests génétiques, assistance médicale à la procréation, gestation pour autrui, anonymat du don d'organes ou de gamètes : en vue de la révision des lois françaises de la bioéthique, ces thèmes feront l'objet, en 2009, d'états généraux ouverts aux citoyens. Comment mener au mieux ce débat essentiel ? "Si on parvient à poser comme prioritaire le respect non pas seulement de la personne, mais avant tout de la personne la plus vulnérable, et si l'on se demande systématiquement comment mettre à son service les avancées de la science et de la médecine, on aura déjà bien travaillé", estime Jean Claude Ameisen.          
Un dernier vœu : que ces états généraux, au cours desquels la législation française sera longuement comparée à celle des autres pays du monde, soient "ouverts à des intervenants internationaux".

Catherine Vincent

LE MONDE DES LIVRES. Edition du 06.02.09, Dossier p. 7

Darwin en pleine évolution

Quel bric-à-brac ! Des morceaux de roches ramassés sous les tropiques, des malles bourrées de boîtes à pilules truffées de scarabées, quelques métatarses de cochon d'Inde... une collection vertigineuse d'insectes, de graines, de plantes séchées, d'animaux dans l'alcool. Voilà ce qu'il faut, dans les années 1830, pour devenir Charles Darwin. Sa correspondance choisie, publiée pour la première fois en français, fait découvrir ce qu'il appelle son "travail éclectique et touche-à-tout". Résolu à "rassembler aveuglément toutes les sortes de faits susceptibles de se rapporter d'une façon ou d'une autre à ce que sont les espèces", le naturaliste ne cesse de correspondre avec des entomologistes, des géologues, des botanistes du monde entier.
Un catalogue de ses questions a vite l'air baroque. A-t-on remarqué si la couleur des chevaux, en Jamaïque, avait changé depuis plusieurs générations ? Sait-on si les guépards domestiqués, en Inde, se reproduisent ? Les oiseaux qui s'envolent d'une mare conservent-ils longtemps les pattes sales ? Quels sont les volatiles mentionnés par les encyclopédies chinoises les plus anciennes ?
Darwin est avide de tout - d'informations sur la flore alpine des États-Unis, comme d'échantillons de mâchoires de porc. Derrière ces investigations disparates, une volonté inlassable : comprendre les variations des êtres vivants dans le temps et dans l'espace. Pour y parvenir, le savant rassemble, avec un soin sans faille, par quantités effarantes, "ce que les gens aiment d'ordinaire appeler des faits insignifiants".
Cela a commencé durant ses années de jeunesse, dans ce grand voyage scientifique et humain, aujourd'hui devenu mythique, qu'il accomplit à bord du Beagle. Le 27 décembre 1831, le jeune homme, 22 ans, part de Plymouth. Direction : l'Amérique latine. Objectif : le tour du monde. Son père ne voulait rien savoir, son oncle a plaidé pour lui. Cinq ans plus tard, un homme d'expérience retourne chez les siens, au terme d'un périple qui demeurera pour lui "de loin l'événement le plus important". Ses lettres témoignent de l'aventure physique et affective que fut cette expédition scientifique : fatigue, mal de mer, fièvres, mais aussi d'étranges extases : "Le plaisir que l'on ressent lorsqu'on est assis sur un tronc en décomposition au milieu de la tranquille obscurité de la forêt est indicible et ne peut pas s'oublier."
Viennent ensuite le temps de la méthode, les premiers traits de l'idée de sélection naturelle, et l'élaboration de l'œuvre majeure... vingt ans durant ! Car Darwin n'est pas seulement méticuleux. Il n'avance aucune hypothèse qu'il n'ait appuyée sur une longue suite d'observations, de comparaisons et de recoupements. Et surtout, en cheminant dans la connaissance, il creuse le temps, change d'échelle, passe des siècles aux millions d'années. Jean Claude Ameisen le fait comprendre dans un livre passionnant, pétri de savoir et de ferveur mêlés, qui retrace la trajectoire de Darwin, et ses prolongements jusqu'à nous, pour le pire comme pour le meilleur.
Dans la lumière et les ombres réussit en effet cet exploit d'être à la fois un livre sur la science, une réflexion vibrante sur l'existence et un voyage poétique vers les origines. Car, en un sens, Darwin a ouvert les portes du temps et du mystère. Il lui a fallu, pour cela, s'intéresser aux vers de terre. Il leur consacre un de ses premiers articles et son dernier livre. Ce qu'on leur doit ? L'humus, la terre cultivable, la possibilité des récoltes. La vie des vers, monotone et sans gloire - ingestion, reptation, déjection - transforme à elle seule les paysages et rend fertile la planète. Ainsi, des actions infimes - dépourvues de toute intention, mais répétées en grand nombre sur des durées immenses - produisent-elles des effets considérables, que nous jugeons ensuite intentionnels et sensés.

SYMBIOSE ET EMPATHIE
Ce changement de perspective que Darwin inaugure a désormais une longue histoire, du moins à l'échelle de nos péripéties contemporaines. En cent cinquante ans, l'idée d'évolution elle-même a évolué. Et Jean Claude Ameisen éclaire les principaux épisodes qui conduisent jusqu'à nous. Les uns évoquent la nuit : à partir des années 1930, la sélection, qui est dans la nature un processus neutre et dépourvu d'intention, devient une politique sociale faite d'eugénisme, puis d'extermination. "Ce que la Nature fait aveuglément, lentement et brutalement, l'homme peut le faire à dessein, rapidement et gentiment", écrit Galton, théoricien de l'amélioration biologique de l'espèce humaine. On voit alors se multiplier en Europe les stérilisations forcées, l'assassinat des handicapés mentaux, bientôt l'obsession de la race. Finalement la "sélection" trie, au bout du quai, ceux qui vont directement aux chambres à gaz et ceux qui mourront en travaillant.
La face claire se compose des chemins récents de la biologie et de l'éthique. Là où Darwin pensait encore en termes de guerre, Ameisen montre qu'on réfléchit aujourd'hui en termes de symbiose et d'empathie. Par exemple, côté symbiose, on sait depuis 1998 que nos cellules ont fini par élaborer le système immunitaire sophistiqué qui nous permet de contrecarrer les attaques microbiennes en utilisant un minuscule parasite, installé il y a 400 millions d'années dans notre ADN. Quant à l'empathie, d'où découlent la solidarité et le souci des autres, elle se révèle bien ancrée dans les neurones des primates et efficace pour leur survie. Somme toute, les leçons de Darwin, auxquelles désormais la science ne saurait échapper, ne font que commencer.

ORIGINES de Charles Darwin. Lettres choisies (1822-1859), préface de Stephen Jay Gould, édition française de Dominique Lecourt. Bayard, 320 p., 27,50 € (en librairie le 12 février).
DANS LA LUMIÈRE ET LES OMBRES. DARWIN ET LE BOULEVERSEMENT DU MONDE
de Jean Claude Ameisen. Fayard-Seuil, 492 p., 23 €.

Roger-Pol Droit

Sept chercheurs témoignent de l’influence vivace de la théorie de l’évolution sur leurs disciplines, de l’immunologie à la neurobiologie en passant par la génétique et la biologie moléculaire. Pas si mort, Darwin… Une double page-hommage signée Pierre Le Hir, Hervé Morin et Catherine Vincent, l’illustration est de Sardon. (extrait du dossier Bicentenaire Darwin, France Culture) :

LE MONDE | 06.02.09 | 13h05, http://abonnes.lemonde.fr/planete/article_interactif/2009/02/06/darwin-l-heritage_1151658_3244.html

Darwin, l'héritage

Immunologie
Jean-Claude Ameisen           
Université Paris-Diderot, faculté de médecine Xavier-Bichat

"C'est au cours de mes recherches sur le "suicide cellulaire" que j'ai réellement découvert la richesse de la pensée de Darwin. Comment se faisait-il que nos cellules possédaient la capacité de s'autodétruire? Darwin attribuait un rôle essentiel dans l'évolution à la destruction et aux "guerres de la nature", mais ne disait rien de la mort qui surgit de l'intérieur. J'ai regardé "à travers ses yeux" par-delà ce qu'il avait pu explorer, lui qui ne savait presque rien de l'univers des cellules. J'ai pensé que, dès l'origine, la capacité de s'autodétruire avait pu être l'une des conséquences inéluctables du pouvoir d'auto-organisation qui caractérise la vie. J'ai découvert que la "mort programmée" existait dans des organismes unicellulaires d'origine très ancienne. Et j'ai proposé l'idée qu'il n'y a pas de "gènes de mort", mais qu'une intrication ancestrale entre les mécanismes qui déterminent la vie et la mort, au cœur de chaque cellule, a joué un rôle essentiel dans l'évolution et la complexité du vivant."

Ecophysiologie
Yvon Le Maho          
Ecophysiologiste, directeur de recherche au CNRS           
"Chaque espèce est une innovation, et plus encore celles qui doivent faire face à des contraintes environnementales extrêmes. Ainsi, le manchot royal. A l'île de la Possession (archipel de Crozet), nous avons découvert que le mâle, lorsqu'il revient de la mer pour assurer les dernières semaines de l'incubation de l'œuf, rapporte dans son estomac de la nourriture non digérée. En la régurgitant au poussin, il assure sa survie pendant une dizaine de jours au cas où la femelle, retardée par des aléas climatiques, ne revienne pas à temps pour l'éclosion. Mais comment peut-il garder intacte si longtemps de la nourriture dans son estomac, pourtant à 37 °C ? En fait, celui-ci contient une petite protéine antibiotique et antifongique, qui s'est révélée très efficace contre des bactéries et des champignons pathogènes pour l'homme. C'est ainsi qu'un mécanisme adaptatif sophistiqué, apparu au cours de l'évolution, pourrait avoir des retombées agroalimentaires et biomédicales…"

Génétique
Pierre Tambourin     
Directeur général de Génopole
"Quoi de commun entre un dangereux petit poisson nommé fugu, l'acide désoxyribonucléique (ADN) et Darwin? Celui-ci, par son œuvre, posait une question centrale : quel système d'informations, présent dans chacune de nos cellules, permet de comprendre l'évolution des espèces et la transmission héréditaire de ces caractères évolutifs d'une génération à l'autre? Un siècle et demi plus tard, on connaît le rôle-clé de l'ADN. Et l'on doit à Jean Weissenbach (Génopole d'Evry), médaille d'or du CNRS 2008, d'avoir étudié le génome du fugu pour en apprendre plus sur l'homme. Chez cette espèce, le génome est deux fois plus petit que le nôtre. En les comparant, Jean Weissenbach et son équipe ont pu préciser que celui de l'homme comprend nettement moins de 30000gènes, très, très en deçà de ce que prévoyaient les scientifiques compte tenu de sa taille. Ce qui démontre qu'entre les évolutions du génotype et celles du phénotype il peut y avoir de sérieuses discordances... dont l'origine reste un mystère !"

Neurobiologie
Catherine Vidal        
Neurobiologiste, directrice de recherche à l'Institut Pasteur

"Des calamars, des limaces, des blattes, des langoustes et des poissons : tous ces animaux ont en commun de posséder des neurones géants, gros parfois d'un millimètre de diamètre. Il est donc plus facile de placer des électrodes dans ces neurones que dans ceux des rats, des souris et des primates, dont la taille n'excède pas quelques centièmes de millimètres. Grâce à eux, on a découvert une chose extraordinaire : les mécanismes élémentaires de transmission de l'influx nerveux sont communs à toutes les espèces animales, que celles-ci possèdent un système nerveux rudimentaire ou qu'elles soient dotées, comme l'homme, d'un cerveau très complexe contenant des milliards de neurones. Un mécanisme de sélection très puissant s'est ainsi exercé au cours de l'évolution qui a privilégié la cellule neuronale, dont les propriétés ont ensuite été exploitées par de très nombreuses espèces. Avec leurs capacités uniques de communication, les neurones sont un succès évolutif !"

Biologie moléculaire
Jean-Jacques Kupiec
École normale supérieure

"Le paradoxe, c'est qu'on peut aujourd'hui faire des études de biologie sans être directement confronté à l'œuvre originale de Darwin. Pour ma part, je l'ai lu à la fin de mon cursus, et ça a constitué un bouleversement intellectuel. Je m'intéressais à la différenciation des cellules. Élaborant un nouveau modèle, j'ai constaté qu'il faisait aussi appel au hasard, soumis à des contraintes sélectives : les cellules fonctionnent de manière aléatoire et sont sélectionnées par leur micro-environnement.
Darwin écrit que la notion d'espèce dépend du classificateur : cet aspect-là est aussi révolutionnaire. Car si on remet en cause l'objectivité de l'espèce, cela vaut aussi pour l'homme. Cela reste un point aveugle de la biologie, qui a bien du mal à abandonner une forme de déterminisme - celui du "programme génétique". Elle résiste à l'idée, jugée antihumaniste, que l'organisme est le résultat aléatoire d'un processus sans finalité."

Linguistique
Mahé Ben Hamed     
Phylogénéticienne, CNRS - université de Lyon-II

"Les méthodes développées par la biologie évolutive dans la continuité des théories darwiniennes sont d'un très grand apport pour la linguistique historique, qui cherche à retracer l'évolution des langues. Darwin lui-même avait noté un curieux parallèle entre les processus de formation des espèces et des langues. Le principe de descendance avec modification s'illustre par les mots qui, du bas latin à l'ancien français par exemple, présentent une filiation sans être conservés à l'identique. De même, l'influence de facteurs sociaux sur le lexique ou la prononciation présente une similitude avec la sélection naturelle de caractères biologiques par l'environnement. Les emprunts lexicaux entre idiomes sont également comparables aux échanges de matériel génétique entre espèces chez les plantes ou les bactéries. Ces analogies ont conduit à l'utilisation des méthodes de la biologie évolutive pour reconstituer l'histoire des langues avec un arbre ou un réseau phylogénétique, comme on le fait pour les espèces vivantes."

Robotique
Jean-Arcady Meyer 
Institut des systèmes intelligents et de robotique, Paris-VI - CNRS

"Depuis les années 1990, une branche de la robotique, dite évolutionniste, s'inspire du vivant pour faire émerger des machines mieux à même de s'adapter dans un environnement non standardisé. On peut ainsi faire évoluer des algorithmes, sur plusieurs générations, pour aboutir à des comportements simples - apprendre à se diriger vers une lumière, par exemple. Aujourd'hui, cependant, la discipline est en phase de stagnation : les comportements plus complexes sont encore hors de portée. Aussi explore-t-on d'autres pistes, comme la sélection sexuée, ou de groupe - ou encore la coopération, plutôt que la compétition. On essaie de faire évoluer de petits modules : ne pas viser directement la montre, mais trouver d'abord ses rouages. La sélection naturelle n'est pas une fausse piste, elle reste une source d'inspiration fondamentale. Simplement, il est difficile d'en savoir suffisamment sur les systèmes biologiques pour en importer les principes de fonctionnement dans des systèmes artificiels."

Propos recueillis par Pierre Le Hir, Hervé Morin et Catherine Vincent

L’Humanité. Idées – Histoire des sciences, 26 janvier 2009, p. 19.

La portée universelle de la pensée darwinienne

Le dernier livre de Jean Claude Ameisen propose une mise en perspective scientifique et philosophique de la théorie de l’évolution.

DANS LA LUMIÈRE ET LES OMBRES. DARWIN ET LE BOULEVERSEMENT DU MONDE,
de Jean Claude Ameisen, éditions Fayard-Le Seuil, 2008, 500 pages, 23 €.

Le lecteur qui redouterait, au vu du nombre de pages, un ouvrage de sèche érudition doit être détrompé : de l’érudition, il y en a, mais mise au service de la plus vivante et, disons-le, de la meilleure vulgarisation qui soit. Saluons le tour de force qui consiste à écrire un livre éminemment personnel (jusqu’à l’autobiographie) et qui contienne autant d’informations scientifiques, rendues accessibles pour le plus large public. Un livre capable d’instruire, mais aussi de captiver et même d’émouvoir. Où le prince Kropotkine, théoricien de l’anarchisme, voisine avec Watson et Crick, découvreurs de la structure de l’ADN. Où la poésie sert de contrepoint à la science la plus rigoureuse.
On tient là l’une des meilleures introductions à la personne et à la théorie de Darwin, en même temps qu’à l’ensemble des problèmes qu’elle pose et des enjeux qu’elle implique. Jean Claude Ameisen, médecin immunologiste et chercheur en biologie, nous fait rencontrer Darwin, non seulement sa pensée, mais aussi sa personnalité, ses croyances, ses goûts. On ne manque pas d’exposés systématiques de la théorie de l’évolution, mais rares sont ceux qui en font paraître aussi clairement le sens, c’est-à-dire fondent la nécessité de ses concepts et de ses propositions dans la nature même du vivant. Cela implique la tâche, à laquelle Ameisen ne se dérobe pas, de revenir en amont de l’idée de sélection naturelle, d’en explorer les antécédents (jusqu’à Lucrèce), les sources intellectuelles (Smith, Malthus), les prémices scientifiques (Geoffroy Saint-Hilaire, Lamarck).
Le livre est tout aussi riche dans son parcours « en aval » de la théorie darwinienne, dont on sait que les prolongements ne furent pas exclusivement scientifiques. Bien sûr, ces derniers sont exposés, brièvement mais avec précision, de sorte que le lecteur puisse comprendre, par exemple, comment l’évolution s’articule avec la génétique, la biologie moléculaire et la philosophie de l’esprit. On apprendra ce que signifient quelques concepts essentiels du néodarwinisme, comme la pléiotropie, l’hypothèse de « la reine rouge » ou l’apoptose ; et surtout on en comprendra le sens profond. Laissons le lecteur découvrir les deux premiers et signalons que le troisième, qui désigne la mort cellulaire programmée, est un des domaines de spécialité de l’auteur, qui lui a consacré un livre (La Sculpture du vivant, Éditions du Seuil). Les implications médicales de ce concept (notamment du côté du cancer) sont aussi importantes que sa signification évolutionniste.
Inévitablement, tout livre sur le darwinisme est attendu sur la question de son héritage social et politique. C’est ici que la science rejoint la vie, pour ce fils de rescapés du génocide hitlérien. Avec autant d’honnêteté et de rigueur que de connaissances, Ameisen revient sur le parcours qui a mené la théorie d’un ennemi résolu de l’esclavage à servir de caution à l’eugénisme, au racisme et finalement au projet de la destruction d’un peuple. Non sans retravailler au passage les sempiternelles questions de la place de l’homme dans l’histoire de la vie, de l’inné et de l’acquis, ni sans critiquer les perpétuels contresens auxquels donnent lieu les notions fondamentales de la théorie darwinienne.
Outre de la biologie, on trouvera dans ce grand et beau livre de l’histoire des sciences, de l’épistémologie, de la philosophie, de l’art. On y trouvera surtout beaucoup de plaisir, celui qu’on éprouve à apprendre et à comprendre des choses essentielles, guidé par quelqu’un dont la passion pour la science est servie par une ardeur singulière à la faire connaître et un talent exceptionnel pour la rendre claire.

Patrick Dupouey,
philosophe

Le Figaro littéraire. Histoire Essais, Jeudi 20 novembre 2008. p. 7

Darwin n’a pas épuisé le mystère

Jean Claude Ameisen. Médecin spécialisé en immunologie, l’auteur retrace la saga des sciences du vivant, de Darwin à nos jours.
Dans la Lumière et les ombres. Darwin et le bouleversement du monde, de Jean Claude Ameisen, Fayard-Seuil, 500 p., 23€.

C’est un très gros livre qu’on lit très vite. Pourquoi ? Parce qu’il est écrit, comme on dit, « à la manière d’un roman policier ». Ameisen mène une investigation minutieuse jusqu’aux sources de sa propre science. Il est médecin. Spécialisé dans l’immunologie, il s’intéresse aux mécanismes de notre système de défense, en un mot de notre survie. Or, aucune des découvertes récentes dans le domaine de la génétique, de l’immunologie, ou dans l’ensemble de la recherche en biologie, n’aurait été possible dans les lumières que Darwin a jetées sur nos origines, et sur la logique à l’œuvre dans la transformation perpétuelle du vivant.
Mais il y a autre chose dans le livre d’Ameisen, qui propulse le lecteur en avant. Comme un emportement dans l’écriture. Une forme d’impatience qui traverse le récit raisonné, qui le tourmente et l’anime de l’intérieur.
De manière simple et élégante, le récit se développe le long de deux lignes spiralées. Un aspect du livre est une enquête savante qui remonte aux origines de la pensée scientifique, un autre est une quête personnelle aux origines du désir de savoir, du désir de chercher. Le récit scientifique est passionnant. Quelles étaient les lectures de Darwin ? Que pouvait-il savoir ? Que cherchait-il ? Qu’espérait-il trouver ? Tapis derrière l’épaule de l’auteur de L’Origine des espèces, lisant à la fois avec les yeux d’un naturaliste éclairé du milieu du XIXe siècle et ceux d’un chercheur du XXIe siècle, nous prenons part à cette histoire faite d’innombrables histoires, et écrite naturellement, comme une généalogie. Épicure donne la main à Lucrèce, il lui murmure que ce qui paraît fixe procède d’une illusion ; David Hume fait une entrée fracassante et détruit un autre mirage. Voici Linné, le grand ordonnateur du vivant, qui achève le classement d’Aristote et de tout le Moyen Âge. Voici Buffon, puis Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, et surtout Lamarck, le grand rival.
Fidèle à l’enseignement de Darwin, Ameisen ne sépare pas le temps du temps, il plonge son regard « loin dans le passé et loin dans l’avenir ». Obéissant de même aux préceptes de Celan cités en exergue, il ne « sépare pas le non du oui ». Les traîtres eugénistes comme Galton sont là et le fidèle Huxley aussi, et la fête se prolonge jusqu’à nos jours. Pour cette célébration, le temps et l’espace sont abolis, les frontières entre les disciplines aussi.

Un appel à l’humilité
Ameisen rappelle ce que Darwin doit à Adam Smith, à Malthus. Il souligne aussi que cette histoire est faire de pertes, d’erreurs, d’oublis, de vides, d’illusions obstinées, d’aveuglement et d’indifférence. Songez qu’il ne manquait à Darwin, pour compléter son explication de l’évolution, que la seule connaissance des mécanismes de l’hérédité. Or, du vivant de Darwin, un moine dans une petite ville de Moravie y était parvenu. On retrouvera le tiré à part de la publication discrète de Mendel, avec ses pages non encore détachées, dans la bibliothèque de Darwin. Il ne l’avait jamais lu.
Les lecteurs de Gould ou de Dawkins ne trouveront pas chez Ameisen les accents quelque peu grinçants des partisans contemporains du darwinisme. S’il repousse Dieu, c’est d’une manière tranquille, laquelle n’aurait pas déplu à Henri de Lubac. Ne congédiant pas la question de Dieu vers un ailleurs de la science, Ameisen déplace la science à l’écart de Dieu, où elle fait mieux son travail. Il reste qu’un émerveillement subsiste, renouvelé par cette libération même. Dans la lumière et les ombres n’est pas autre chose qu’un appel à l’humilité. « Nous savons la forme qu’a prise ce que nous appelons la vie sur notre planète, mais nous ne savons pas ce qu’est la vie – les formes qu’elle pourrait prendre, et les seuils à partir desquels elle pourrait émerger. Comment la vie a-t-elle pu, comment peut-elle émerger de la matière ? Comment la conscience, les émotions, le souci pour autrui ont-ils pu émerger à partir de réseaux de cellules nerveuses qui se construisent dans un corps plongé dans son environnement ? » Aujourd’hui, le mystère des mystères, pour les héritiers les plus éclairés de Darwin, ce n’est plus l’origine des espèces, mais celle de la vie et de la conscience.

Ayyam Sureau

Le Figaro Magazine, Culture / Idées, 10 janvier 2009, pp. 74-5.

Le Naturaliste anglais est né il y a 200 ans

Charles Darwin est-il indépassable ?

La théorie de l'évolution a changé notre vision du monde. Mais on peut être évolutionniste et non darwinien, ou évolutionniste et croyant. Lisons Darwin sans idées préconçues.


Comme Freud avec la découverte de l'inconscient ou Copernic avec la place de la Terre dans l'univers, Darwin a bouleversé notre vision de l'homme. Désormais, nous savons que nous partageons avec tous les êtres vivants une généalogie commune. Aujourd'hui, on parle de « synthèse néodarwinienne », qui intègre, entre autres, la génétique aux idées de Darwin. Cette épopée scientifique, qui a commencé avec le voyage du naturaliste anglais aux îles Galápagos, Jean Claude Ameisen, médecin et chercheur, nous la relate dans un livre-fleuve1. Un jour peut-être, nous dit-il, la théorie de Darwin, quelles que soient sa grandeur et sa richesse, nous apparaîtra « comme le début d'une histoire et non comme sa fin ».
Darwin savait qu'il allait heurter des croyances très profondes. « C'est comme confesser un meurtre », écrivait-il dans une lettre à Joseph Hooker. De fait, les Églises constituées réagirent d'abord avec méfiance, voire hostilité, à la théorie darwinienne. Celle-ci remettait-elle en cause le dogme ? Dans un très intéressant ouvrage2, François Euvé montre que si les rapports entre le christianisme et la théorie darwinienne furent parfois difficiles, ils furent aussi bien plus complexes qu'on ne l'imagine. Les théologies, loin d'être affaiblies, en furent renouvelées, obligeant à approfondir la lecture de la Bible.
Depuis longtemps, on peut être croyant et évolutionniste. L'ouvrage du dominicain Jacques Arnould3, qui est pieusement darwinien, en est la preuve. Le « créationnisme », stricto sensu, est une idée selon laquelle il y aurait des créations séparées des différentes espèces qui peuplent la Terre. La girafe serait apparue directement comme girafe, et l'homme comme homme. Cette idée est non seulement une aberration scientifique, mais aussi un contresens exégétique, car la lecture des Écritures est liée à un contexte culturel.
Est-ce à dire que le darwinisme est indépassable ? Rappelons d'abord que l'idée d'évolution n'a pas été inventée par Darwin. Perçue par quelques naturalistes du XVIIIe siècle, exposée par Lamarck au début du XIXe siècle, elle a demandé plus d'un siècle de recherche pour être considérée comme acquise. De façon spécifique, le darwinisme affirme que cette évolution s'est déroulée grâce à de petites mutations ayant eu lieu par hasard, et dont les individus qui en étaient porteurs ont été avantagés par la « sélection naturelle ». C'est donc le couplage « hasard-sélection naturelle » qui permettrait l'évolution.
Le darwinisme a permis de comprendre de façon convaincante des milliers de faits. Il n'est néanmoins qu'une explication possible de l'évolution. Des scientifiques de renom affirment que des processus essentiels à l'œuvre ne seraient pas liés à la sélection naturelle. Jean Staune avait déjà rendu compte des travaux de ces évolutionnistes non darwiniens, dans une belle synthèse publiée il y a près de deux ans4. Ainsi, selon Simon Conway-Morris, éminent paléontologue, « les formes fonctionnelles possibles sont prédéterminées depuis le big-bang ». Ce qui bouscule, de façon radicale, un concept central des darwiniens : chaque espèce serait le résultat contingent et imprédictible d'un processus dû au hasard. De même, pour l'éthologue Rémy Chauvin ou pour l'embryologiste Rosine Chandebois, l'évolution est-elle un « programme » qui se déroule depuis l'origine. D'après Vincent Fleury, biophysicien, le sens de l'évolution est « physiquement gravé » dans le champ d'orientation des cellules. Par rapport aux « micro-évolutions » darwiniennes, certaines de ces thèses envisagent plutôt des « macro-évolutions ». L'évolution « sauterait » d'un plan d'organisation à un autre, sans que l'on sache pour le moment expliquer ces mécanismes.
Le même Jean Staune, dans un ouvrage passionnant qui vient de paraître5, fait parler de grands savants, notamment Christian de Duve, prix Nobel de physiologie et de médecine, qui affirme que des « contraintes chimiques font de l'émergence de la vie un événement beaucoup plus probable que ne le croyait Monod, un événement obligatoire, même ».
Le néodarwinisme est-il une théorie parmi d'autres ? Non, si l'on en juge d'après les polémiques que suscite toute remise en cause au sein de la communauté scientifique. Dès le départ, le darwinisme a inspiré une « idéologie ». Pourtant, il ne faut pas confondre le darwinisme, théorie scientifique, avec les élucubrations raciales ou sociales qu'il a inspirées. Ainsi Herbert Spencer applique-t-il aux sociétés humaines l'idée de « survie du plus apte », ce dont se garde bien Darwin, pourtant influencé par Malthus. Francis Galton, gendre de Darwin, fut, lui, l'inventeur de l'eugénisme, la science des « bonnes naissances ». Selon ses vues, il fallait encourager les « forts » à se reproduire, avec l'opération inverse pour les faibles. Ses idées ont influencé la société américaine du XXe siècle. Comme le remarque Jean Claude Ameisen, Darwin insista pourtant sur le fait que, chez de nombreuses espèces animales, la « coopération » était aussi répandue que la compétition.

1) Dans la Lumière et les ombres. Darwin et le bouleversement du monde, de Jean Claude Ameisen, Fayard/Seuil, 500 p., 23€.
2) Darwin et le Christianisme, de François Euvé, Buchet-Chastel, 198 p., 19€.
3) Requiem pour Darwin, de Jacques Arnould, Salvator, 160 p., 17 €.
4) Notre existence a-t-elle un sens ? de Jean Staune, Presses de la Renaissance, 2007.
5) La science, l'homme et le monde, les nouveaux enjeux, sous la direction de Jean Staune, Presses de la Renaissance, 358 p., 21,50€.

Paul Dupré


Médecine/Sciences décembre 2008, n° 24, pp. 1109-10. Analyses de livres. Forum.

Dans la lumière et les ombres : Darwin et le bouleversement du monde
Jean Claude Ameisen.
In the light and the shadows, Darwin and the world disruption

L’année 2009 verra les nombreuses commémorations consacrées au 150e anniversaire de la publication de De l’origine des espèces par Charles Darwin. Nous aurons donc droit, tout au long de l’année, à nombre d’ouvrages très précis et documentés sur l’actualité « évo-dévo », l’histoire et la réalisation de l’œuvre de Darwin, sans compter les brûlots probables sur le bourgeois traditionnel que fut l’auteur d’une des grandes révolutions scientifique et culturelle du XIXe siècle. Est-ce là le propos du livre de Jean-Claude Ameisen ? Très peu.
Quel est le programme de l’auteur d’ailleurs, tant ce livre est riche et complexe, baroque même par sa construction littéralement anachronique ? Notre ami et collègue (il fut membre de notre Comité éditorial plusieurs années) parle de Darwin certes, et de façon ô combien érudite. Mais il va surtout à la recherche du « comment » de l’œuvre. Comment passe-t-on d’un monde fixe, et divinement fixé, à un monde évolutif ? Peut-être pouvons-nous ici nous contenter de reprendre avec l’auteur les deux premières phrases de L’origine des espèces : « Quand j’étais (entre l’âge de vingt-deux et vingt-sept ans) à bord du Beagle, navire de sa Majesté, j’ai été profondément marqué par certains faits qui me semblaient jeter de la lumière sur l’origine des espèces - ce mystère des mystères ».
Ce mystère des mystères, Jean Claude Ameisen nous propose de le chercher dans l’avènement historique de l’œuvre. Reprenant l’évolution des idées, nous voyons revenir dans une riche galerie de croquis le XVIIIe siècle qui, de Buffon et Lavoisier à Cuvier et Lamarck, sans oublier Lyell, le maître de Darwin, trace déjà le sillon dans lequel, avec une prudence sans cesse rappelée dans les carnets secrets, Darwin fera germer sa théorie. Germer est certainement le terme clé, car Darwin est un jardinier avant d’être le spécialiste de la faune animale que nous connaissons.
Mais la grande force du livre réside dans le rythme, le choix d’un récit en forme de caméra intérieure à certains moments. Le rappel aussi plus général des idées sociales de l’époque à laquelle Darwin travaille, imprégné de Malthus et d’Adam Smith. Et la voix se fait alors plus personnelle. Est-ce toujours de Darwin qu’il est question lorsque émerge la grande fresque de l’esclavage et de la lutte contre l’esclavage ?
Bien entendu, le problème que veut traiter Jean Claude Ameisen va bien au-delà d’une œuvre scientifique vers l’autre mystère des mystères que constitue le racisme, la haine de l’autre jusqu’à sa négation d’humain. C’est vers Auschwitz que se déplacent les scènes. Le récit fait appel à l’intime. Sans oublier cette autre forme d’instrumentalisation de l’hérédité que furent les théories sociales de Galton et l’eugénisme.
Comme je l’ai dit, ce livre est baroque et peut se lire de bien des manières. Vous pouvez y entrer presque à n’importe quelle page et commencer simplement la lecture. Voire même, le relire à l’envers, partant de la conclusion pour un monde ouvert, en retournant vers tous les obstacles déjà franchis depuis le monde fermé qui vit naître Darwin. Jean Claude Ameisen invite sans cesse les poètes, de Paul Celan à Thomas Stearns Eliot, et les philosophes, de Hume à Paul Ricœur, à notre lecture. « J’ai écrit ce livre avec l’intime conviction que la recherche scientifique peut contribuer à notre liberté… À la condition de résister à la pente si ancienne qui consiste à la mettre au service du mépris, de l’exclusion, de la déshumanisation ».
Non seulement parce qu’il est composé de 500 pages denses, mais surtout parce qu’il soulève les questions essentielles de la modernité, ce livre demande du temps de lecture, mais la richesse qu’il vous propose en vaut la peine.

Ameisen JC. Dans la lumière et les ombres, Darwin et le bouleversement du monde. Paris: Fayard/Seuil, 2008: 490 p.

Hervé Chneiweiss
Plasticité gliale, UMR-S 752 Inserm/Paris Descartes/CHSA, Centre Paul Broca, 2ter rue d’Alésia, 75014 Paris, France. email : Herve.Chneiweiss@inserm.fr

Revue Médicale Suisse. News et opinions. 12.11.2008

Dans les pas de Charles Robert Darwin

Si nous devions, sous la contrainte, formuler l’hypothèse – nullement invraisemblable – selon laquelle l’œuvre de Darwin est moins bien connue dans le monde francophone qu’anglophone, voici enfin un ouvrage de nature à corriger cette injustice.1 Et si, autre hypothèse, on devait se limiter à la lecture d’un seul ouvrage parmi tous ceux publiés dans le cadre de la commémoration du bicentenaire de la naissance du célèbre naturaliste anglais, ce même ouvrage apparaît d’ores et déjà comme une référence éclairante.   
On ne saurait raisonnablement réduire dans l’espace de cette chronique les mille et une facettes d’un livre étonnant mariant le plus souvent avec brio différents genres. Le plaisir de l’écriture démontre ici une nouvelle fois qu’il peut être parfois suffisamment contagieux pour se transformer en plaisir de lecture. Médecin et immunologiste amplement connu de la communauté scientifique pour ses travaux sur l’apoptose, Jean-Claude Ameisen offre ici une nouvelle preuve de ses talents de vulgarisateur et de pédagogue mais aussi de conteur et, dans certains chapitres plus personnels, plus intimes, d’écrivain. 
Darwin donc, à la fois colonne vertébrale et clef de voûte de l’ouvrage. Ou plus précisément point géométrique qui permet, comme peuvent le faire Copernic, Galilée ou Freud de prendre la mesure des bouleversements de nos représentations de notre monde. La trame darwinienne est connue. On sait à quel point ses observations planétaires (faites grâce à la maîtrise britannique des voyages maritimes) suivies de l’élaboration de ses théories sur l’évolution des espèces vivantes ont profondément révolutionné la biologie. Phylogenèse ou pas ses travaux de géologie ont précédé ceux sur le vivant. Avec au total – schématisons à l’extrême – l’hypothèse généralement acquise que toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d’un ancêtre commun ou d’un petit nombre d’ancêtres communs, grâce au processus de sélection naturelle.           
«De son vivant la théorie de l’évolution fut acceptée par la communauté scientifique et le grand public, alors que sa théorie sur la sélection naturelle a dû attendre les années 1930 pour être généralement considérée comme l’explication essentielle du processus d’évolution, explique aujourd’hui gratuitement sur la Toile l’encyclopédie Wikipédia à tous les collégiens et lycéens – étudiants en médecine ? – en charge d’un travail sur ce thème. Au XXIe siècle, elle constitue la base de la théorie moderne de l’évolution. Sous une forme modifiée, la découverte scientifique de Darwin reste le fondement de la biologie, car elle explique de façon logique et unifiée la diversité de la vie.»           
Wikipédia ajoute, frise connue, que l’intérêt de Darwin pour l’histoire naturelle lui vint alors qu’il avait commencé d’étudier la médecine à l’Université d’Edimbourg, puis la théologie à Cambridge. Son voyage de cinq ans à bord du Beagle le conduira à se passionner pour la distribution géographique de la faune sauvage et des fossiles précieusement recueillis au cours de son voyage. Puis vinrent l’étude minutieuse de la transformation des espèces et l’élaboration de la célèbre théorie sur la sélection naturelle en 1838. Ayant constaté que d’autres avaient été attaqués comme hérétiques pour des idées analogues, il ne se confia qu’à ses amis les plus intimes et continua à développer ses recherches pour imaginer et prévenir les objections. En 1858, Alfred Russel Wallace lui fit parvenir un essai qui décrivait une théorie semblable, ce qui les amena à faire connaître leurs théories dans une présentation commune.
Puis vint 1859 et L’Origine des espèces qui fit de l’évolution à partir d’une ascendance commune l’explication scientifique dominante de la diversification des multiples formes de vie. Il se passionna ensuite pour l’évolution humaine et la sélection sexuelle dans La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe, ouvrage bientôt suivi par L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux. On le retrouve à la fin de sa vie – et au tout début de l’ouvrage de Jean-Claude Ameisen – étudier les mœurs des merveilleux et prolifiques lombrics. Darwin ne connut pas les exploitations «sanitaires» puis racistes et bientôt «industrielles» – sous le régime nazi – que son entourage immédiat puis le XXe siècle firent de son œuvre.
«"Cuidado" ("sois prudent"), écrit le jeune Darwin dans ses carnets secrets. Révéler ses idées serait "comme confesser un meurtre". Et il les développera en silence, peut-on lire en quatrième de couverture de cet ouvrage coédité par Fayard et par Le Seuil. La publication de sa théorie bouleversera notre vision du monde. Le passé se recompose, modifiant le présent. Nous partageons soudain avec l’univers vivant une généalogie commune, faite de transformations et de métamorphoses.»       
Bien évidemment guidés par l’auteur les éditeurs ajoutent : «Ce livre est un voyage. A travers l’espace et le temps. A travers la lumière et les ombres. A la rencontre d’une révolution scientifique toujours plus riche, toujours en devenir. A la rencontre aussi de la longue nuit de notre histoire, où la science légitimera la négation de la vie et de la dignité de tant d’êtres humains. Un voyage à travers la mémoire et l’oubli. A la recherche de l’empreinte en nous de ce qui a disparu, de ceux qui ont disparu. Nous sommes faits de ce qui a donné naissance à l’"infinité des formes les plus belles et les plus merveilleuses". Aux bactéries et aux fleurs, aux oiseaux et aux arbres. Et pourtant nous sommes autre. Nous sommes faits de l’histoire des cultures humaines. Et pourtant nous sommes autre. Toujours nouveau.»           
Et encore : «Ce livre est une plongée dans le récit tumultueux de nos origines. Non pour nous y enfermer. Mais pour y découvrir cet émerveillement "d’arriver à l’endroit d’où nous sommes partis et de connaître le lieu pour la première fois". Et retisser, chaque jour, les liens qui fondent notre commune humanité. Dans le respect de l’extraordinaire vulnérabilité de ceux qui nous ont fait naître, de ceux qui nous entourent, et de ceux qui nous survivront.»
Après ce long plaisir de lecture nous ne saurions dire beaucoup mieux.

Bibliographie
1 Ameisen JC. Dans la lumière et les ombres. Darwin et le bouleversement du monde. Paris : Éditions Fayard/Seuil, 2008. ISBN 978-2-213-63800-3.

Jean-Yves Nau.
jynau@orange.fr

Sciences et Avenir. S’évader. Livres. Décembre 2008, n° 742.

Darwin, une œuvre en évolution

En 2009, on célèbrera le bicentenaire de la naissance de Darwin. L'occasion de se plonger dans les nombreux ouvrages qui proposent une relecture du savant anglais.
« Darwin est un auteur que l'on cite, il est rarement un auteur que l'on lit », prévient le philosophe Patrick Tort, grand spécialiste du naturaliste britannique. Une méconnaissance qui a alimenté les controverses. Rejeté par les religieux fondamentalistes, il a aussi été critiqué par certains courants progressistes : ils ne lui ont pas pardonné d'avoir donné un argument fort au libéralisme le plus outrancier, la notion de «sélection naturelle» étant utilisée comme une justification de la survie des plus aptes et des plus forts. Avec l'Année Darwin, le débat continue et peut même devenir houleux.
Il y a quelques semaines paraissait ainsi le livre de l'historien des sciences André Pichot Aux origines des théories raciales. De la Bible à Darwin. Pour lui, rien ne justifie d'accoler le nom de Darwin à la théorie de l'évolution, déjà élaborée par le Français Jean-Baptiste de Lamarck. Reste au Britannique uniquement « la sélection naturelle ».
Et celle-ci aurait principalement été utilisée dans son sens social, notamment par le libéralisme de la deuxième moitié du XIXe siècle. André Pichot va même plus loin : il voit une continuité entre la « sélection naturelle » chère à Darwin, l'eugénisme et les théories racistes. « Pure méconnaissance de l'œuvre, interprétation simpliste et fausse », s'indigne Patrick Tort, qui met en avant dans L'Effet Darwin un « effet réversif de l'évolution ». Selon lui, la sélection naturelle privilégierait la meilleure civilisation. Celle-ci par un effet réversif sélectionnerait à son tour les sentiments les plus nobles chez l'homme, et s'opposerait à la tyrannie des plus forts. Ainsi, le droit et la morale seraient des émergences de la sélection naturelle.
Qu'en pensait le naturaliste lui-même, le voyageur du Beagle qui s'indigna du sort des esclaves ? Son Autobiographie reste muette sur l'utilisation de ses thèses. Mais grâce à sa réédition, qui fait la part des rajouts moralisateurs de sa femme des années plus tard, on découvre un scientifique humble et sincère auquel le biologiste Jean Claude Ameisen rend peut-être le plus bel hommage. Son dernier ouvrage, Dans la lumière et les ombre, pointe l'incroyable actualité de la démarche scientifique de Darwin, faite de déduction pas à pas et de logique. Sa conception de la complexité du vivant, propice à l'émergence de capacités inattendues, est finalement une idée d'aujourd'hui. Et les énigmes qu'il soulevait alors sont devenues des sujets de recherche que les biologistes n'ont pas fini d'explorer.          

Extrait :
« ‘[...] de quelle manière les capacités mentales se sont développées à l'origine dans les organismes les plus simples est une interrogation aussi vaine que de se demander comment la vie elle-même est apparue à l'origine, écrivait Darwin dans La Généalogie de l'homme. Ce sont là des problèmes pour le futur distant, si tant est qu'ils soient jamais résolus par l'homme.’ Près d'un siècle et demi plus tard, ces problèmes sont devenus des sujets de recherche : comment la vie a-t-elle pu émerger de la matière ? comment la conscience les émotions et l'intersubjectivité ont-elles pu émerger à partir de réseaux de cellules nerveuses...? »
Dans la lumière et les ombres.

Aux origines des théories raciales. De la Bible à Darwin, André Pichot. Flammarion, 500 p., 28 ;
L'Effet Darwin, Patrick Tort. Seuil, coll. «Science ouverte», 230 p., 18 ;
L'Autobiographie, Charles Darwin. Seuil, coll. «Science ouverte, 240 p., 20 ;
Dans la lumière et les ombres. Darwin et le bouleversement du monde, Jean Claude Ameisen, Fayard/Seuil 500 p., 23.

Azar Khalatbari

Le Temps (Suisse) jeudi 12 février 2009
Evolution
Darwin, découvreur des temps modernes
Interview de Jean Claude Ameisen, propos recueillis par Lucia Sillig.

DECISION SANTE, n°251, janvier 2009, p.36-37. Ailleurs et ici.
Entretien avec Jean Claude Ameisen : La science progresse en franchissant des frontières. Propos recueillis par Gilles Noussenbaum.

Médecin-chercheur, écrivain, professeur d’immunologie, président du comité d’éthique de l’Inserm, Jean Claude Ameisen se moque des frontières. Et découpe avec gourmandise un nouveau partage des savoirs. Il contribue de manière décisive à comprendre les mécanismes de l’apoptose. Ses ouvrages sont commentés au-delà du cercle restreint des scientifiques et donnent à penser à chaque honnête homme. Grâce à une langue lyrique et accessible, il réconcilie enfin médecine et humanisme et s’inscrit dans le sillage d’un Jean Bernard ou d’un François Jacob. Son nouvel opus traduit toutes ces ambitions. Il brasse dans un même mouvement à partir de l’œuvre de Charles Darwin une approche historique, une réflexion éthique et un regard esthétique sur notre monde. Le tout avec passion et sans jamais abandonner un regard d’enfant sur les merveilles du monde ; Et si nous apprenions de nouveau à nous étonner ?

Sur Internet :
Publié le 26/02/09 dans Le Blog d’Hécate. Science.
Jean Claude Ameisen. Dans la lumière et les ombres – Darwin et le bouleversement du monde – Fayard/Seuil 2008

Premier des livres qui vont accompagner l’anniversaire l’année prochaine de la publication de l’Origine des espèces ou de la naissance du grand naturaliste philosophe, père de la biologie moderne et accessoirement, homme dont toute l’œuvre rappelle, s’il en était besoin que le moteur de l’évolution est et sera pour longtemps une forme d’empathie, la collaboration, l’entraide, les arrangements utiles et nécessaires entre espèces. Bien plus que le très controversé lutte pour la survie et préservation des plus forts au dépens des plus faibles, c’est ce message là qui sous tend toute l’œuvre du grand Charles Darwin. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le professeur Ameisen place la barre très haut.

En effet, la construction du livre rappelle, comme le faisait S.J. Gould, qu’un grand scientifique est toujours un homme ou une femme dont l’œuvre se nourrit de tous les autres domaines de sciences humaines. La philosophie, la littérature, la poésie, l’éthologie, l’ethnologie accompagne le lecteur dans la formidable aventure initiée par la découverte de Darwin et de Wallace. Ces deux hommes ont non seulement compris, avec les outils de leurs temps, ce que la science n’allait avoir de cesse de prouver, depuis qu’elle a enfin abandonné les fadaises ethniques et raciales, ils ont également donné une formidable grille de lecture de ce qui devrait être une volonté humaine sans faille : la compréhension absolue de la nécessité absolue de créer des liens et de prendre soin de son écosystème, intérieur, comme extérieur.

Oui, certains principes, certaines phrases de Darwin, scandaleusement, abominablement dévoyées par des scientistes racistes, en phase avec une époque où il était capital de maintenir le modèle social et politique en vogue, ont été utilisés à des fins criminels, mais on sait depuis fort longtemps que les héritiers sont souvent les pires de traîtres. C’est ce qu’Ameisen décrit comme les ombres d’une analyse brillante, mais marquée du sceau de la complexité et des contraintes sociales du temps. Mais surtout, il y a cette fabuleuse compréhension qu’aucune évolution n’est possible sans un réseau serré de relations à l’intérieur comme à l’extérieur des espèces et des corps.

Le voyage auquel nous convie Ameisen est enchanteur, un constant et permanent enchantement du monde, une fois passé le temps des périls. Alors pourquoi a-t-il fallu que le fait religieux surgisse ici ou là dans ce livre formidable, donc pratiquement chaque page pourrait être citée. Peut être à cause du destin d’une partie de la famille pendant la seconde guerre mondiale. Le désir d’éternité, fort compréhensible, aurait dû être réservé pour un autre ouvrage. Car Darwin fait un sort à la superstition, en prouvant que l’empathie et l’entraide sont des valeurs essentielles et non liées à une quelconque philosophie religieuse. Sans compter qu’avec l’ouverture du livre sur l’éthologie, la question de la foi est parfaitement artificielle. Ainsi lorsqu’en 2006, Frans de Waal, explique que l’empathie est le point de départ de l’émergence du langage et de la culture et non le point d’arrivée, il y a là le début d’une formidable aventure humaine, mais pas seulement. Idem avec les neurones miroirs, ce sont nos cousins qui nous rejoignent enfin dans le monde merveilleux de la conscience.

En dehors de cette petite déception, ce livre est une merveille, une source extraordinaire d’un savoir brillamment distillé. On y suit les travaux des biologistes au cours des cinquante dernières années, croisés avec ceux des autres domaines scientifiques liés à l’évolution des espèces, et les observations de Darwin prennent alors tout leur formidable sens. Au même titre qu’un Vinci, Darwin voyait le monde en grand, sans œillères, et contrairement au traitement religieux du monde, Darwin enchante le monde réel, et non de très supposés et très petits arrière-mondes.

Émissions de radio consacrées au livre :

France Culture :
Les Matins de France Culture par Ali Baddou, émission du 23/10/08: Ecouter
L'année 2009 célèbrera le 200e anniversaire de la naissance d'un des savants les plus célèbres de l'histoire des Sciences, Charles Darwin, 2009 marquera aussi l'anniversaire de la publication de son ouvrage de référence : « L’Origine des Espèces ». Comme toujours l'actualité éditoriale prend de l'avance et déjà de nombreux livres paraissent sur l'auteur de la Théorie de l'évolution, théorie qui rencontre au XXIe siècle de plus en plus d'adversaires...           
Pour en parler ce matin nous recevons Jean Claude Ameisen auteur de l’essai "Dans la lumière et les ombres, Darwin et le bouleversement du monde". Très belle méditation qui part de Darwin pour s’interroger sur nos origines, notre rapport à la science et au monde.      
L'occasion aussi d'aborder les questions d'éthique puisque le docteur et chercheur Jean Claude Ameisen est également président du comité d'éthique de l'Inserm et membre du comité consultatif national d'Éthique.

Les vendredis de la philosophie, par François Noudelmann, Réalisation: Clotilde Pivin. émission du 26/9/2008, La pensée Darwin : Ecouter        
Darwin était-il darwiniste? L'utilisation des ses thèses à des fins idéologiques a brouillé la connaissance de ses œuvres. Darwinisme ou créationnisme, sélection naturelle ou injustice sociale, adaptation ou eugénisme… de telles oppositions font oublier le travail conceptuel entrepris par celui qui révolutionna la science mais aussi la représentation de la nature. Sa pensée de l'évolution s'est développée en fonction de ses découvertes, de ses intuitions, mais aussi des figures qui étaient à sa disposition, parfois insuffisantes ou contraignantes, comme l'arbre généalogique. 
Dans son laboratoire conceptuel, Darwin a promu des idées phares pour penser globalement la nature, et particulièrement la parenté entre tous les êtres, sans distinction ontologique. Il a manipulé aussi des notions contradictoires comme la nécessité et la contingence, la sélection et la diversification. La postérité de Darwin n'est pas seulement scientifique mais aussi philosophique.
Avec Jean Claude Ameisen, Jean-Marc Drouin, Dominique Lecourt

Les nouveaux chemins de la connaissance par Raphaël Enthoven, émission du 28/01/09,Rythme et biologie. Avec Jean Claude Ameisen

Les nouveaux chemins de la connaissance par Raphaël Enthoven, émission du 15/06/09, La Bioéthique 1/5. La mort cellulaire. Avec Jean Claude Ameisen

Répliques, par Alain Finkielkraut, émission du 31/01/09 Darwin et le bouleversement du monde
Avec Elisabeth de Fontenay et Jean Claude Ameisen.

Science Publique, par Michel Alberganti. Émission du 27/02/09
Le Darwinisme conduit-il à l’eugénisme ?
La théorie de la sélection naturelle, établie par l’ouvrage intitulé « L’origine des espèces » publié par Charles Darwin le 22 novembre 1859, fait partie de ces découvertes dont l’onde choc se propage pendant des siècles. Sélection naturelle. Même résumé à ces deux mots, le darwinisme bouscule des croyances ancestrales et stimule les interprétations les plus diverses dès les années qui suivent la publication. Ainsi, Francis Galton, cousin de Charles Darwin et scientifique lui-même, traduit-il très vite la théorie de l’évolution en langage mathématique. Et cela le conduit à établir une « philosophie sociale » qu’il baptise « eugénisme » en 1883, soit 24 ans après la publication de l’Origine des espèces et l’année suivant celle de la mort de Darwin. Pendant plus d’un demi-siècle, l’eugénisme va provoquer des drames parmi les plus terribles que l’humanité ait connus.
Au cours de la première moitié du 20ème siècle, l’eugénisme fait partie des théories scientifiques mondialement reconnues. Le laboratoire Galton pour l’eugénisme national est ainsi créé au sein du prestigieux University College de Londres. Et il faut l’intervention du fils du beau-père de Darwin, Josiah Wedgwood III, pour que l’Angleterre n’adopte pas de lois de stérilisation forcée. Aux États-Unis, en revanche, où la société américaine d’eugénisme est créée en 1926, plus de la moitié des États adoptent des lois de stérilisation forcée à partir de 1907. Et à la fin des années 1930, plus de 60 000 personnes auront été victimes de ces lois, comme le note Jean Claude Ameisen dans son dernier ouvrage. La sélection naturelle a engendré la sélection humaine. Pour Francis Galton, il ne s’agit de rien moins que d’appliquer à l’homme la science de l’amélioration de l’élevage.
Cette démarche, qui a conduit aux politiques d’extermination des races jugées inférieures par les nazis, a-t-elle aujourd’hui totalement disparu ?
Comment évaluer, à la lumière des errances eugénistes de Francis Galton, les promesses actuelles de la génétique et de la sélection des embryons ?
Un darwinisme médical ne risque-t-il pas de prendre le relais du darwinisme social ?
Avec Jean Claude Ameisen, médecin et chercheur, René Frydman, professeur, gynécologue obstétricien, Philippe Deterre, Prêtre, docteur en physique et en biologie, directeur de recherche au CNRS, Jean-Yves Nau, médecin et journaliste au Monde.

France Info
Le livre du jour
, par Philippe Vallet – 15 février 2009 Dans la Lumière et les ombres. Darwin.
La Théorie de l’évolution a bouleversé notre vision du monde. A l’origine de ce travail, le britannique, Charles Darwin. Le naturaliste est né il y a deux cents ans, le 12 février 1809 exactement, et il a publié son grand livre "L’origine des espèces", en novembre 1859, il y a donc presque cent-cinquante ans. Beaucoup de livres sont publiés à cette occasion dont un excellent numéro hors-série de Télérama en partenariat avec France info. Pour aller plus loin, le chercheur et médecin Jean Claude Ameisen, célèbre pour ses travaux sur la mort cellulaire, publie un livre exceptionnel qui relève de la science et de la littérature. Un voyage dans notre passé et notre avenir.
"Dans la Lumière et les ombres. Darwin et le bouleversement du monde", de Jean-Claude Ameisen est coédité par Le Seuil et Fayard (490p., 23E). Numéro Télérama Hors Série sur Charles Darwin (100p., 7,90E)

Science Info, par Marie-Odile Monchicourt - 15 décembre 2008 D’où venons-nous ?
D’où vient la vie ? Comment se fait-il que nous ayons un cerveau aussi complexe ? Qu’est-ce qui fait que nous pensons ? Des questions devenues des objets de recherche. Nous sommes faits de ce qui a donné naissance à "l’infinité des formes les plus belles et les plus merveilleuses..."
Jean Claude Ameisen, professeur d’immunologie à l’Université Paris Diderot. "Dans la lumière et les ombres/Darwin et le bouleversement du monde"

France Inter
La tête au carré, par Mathieu Vidard. 3 émissions sur « La lumière et les ombres. Darwin et le bouleversement du monde », avec Jean Claude Ameisen
Cuidado ("sois prudent"), écrit le jeune Darwin dans ses carnets secrets.
Révéler ses idées serait "comme confesser un meurtre". Et il les développera en silence. La publication de sa théorie bouleversera notre vision du monde. Le passé se recompose, modifiant le présent. Nous partageons soudain avec l'univers vivant une généalogie commune. A la rencontre d'une révolution scientifique toujours plus riche, toujours en devenir. A la rencontre aussi de la longue nuit de notre histoire, où la science légitimera la négation de la vie et de la dignité de tant d'êtres humains. Un voyage à travers la mémoire et l'oubli. A la recherche de l'empreinte en nous de ce qui a disparu, de ceux qui ont disparu. Nous sommes faits de ce qui a donné naissance à l'"infinité des formes les plus belles et les plus merveilleuses".
Aux bactéries et aux fleurs, aux oiseaux et aux arbres. Et pourtant nous sommes autre. Nous sommes faits de l'histoire des cultures humaines.
I, Darwin
II.Les dérives du darwinisme
III.Darwin et la science aujourd'hui

Le Cinq Sept, par Patricia Martin, mardi 4 novembre 2008.
Invité : Jean Claude Ameisen
Dans la lumière et les ombres : Darwin et le bouleversement du monde
Étude sur les origines et l'évolution des travaux et de la pensée de Darwin, et sur les mutations de la théorie darwinienne aux XIXe et XXe siècles.

Radio Canada
Vous êtes ici [Rencontres] de Patrick Masbourian. 12 janvier 2009
Dans la lumière et les ombres: Darwin et le bouleversement du monde
Le nouveau livre de Jean Claude Ameisen, médecin, chercheur et professeur d'immunologie à l'université Paris Diderot, tombe à point.         
 Intitulé Dans la lumière et les ombres: Darwin et le bouleversement du monde, ce livre relate de façon quasi romanesque les origines et l'évolution de la pensée darwinienne.   
 Il y a un siècle et demi, Darwin a bouleversé et révolutionné le monde en découvrant la loi naturelle de l'évolution, selon laquelle tous les êtres vivants seraient issus d'une origine commune et, surtout, non divine.

Radio Suisse Romande
Espace 2, par Ruth Scheps. Darwin. 8 février 2009 à 20 h, Jean Claude Ameisen

Télévision.
France 3. Ce soir (ou jamais !) par Frédéric Taddéi. 17 décembre 2008.
Où en est la science.
Invités: Étienne Klein, Jean-Pierre Changeux, Jean Claude Ameisen, André Brahic,
Nicole Le Douarin, Luc Montagnier.