Le Nouvel Observateur

Semaine du 28 Octobre 1999 --N°1825 -- LES UNS LES AUTRES

 

CHARLES KERMAREC

Ce vice impuni, la lecture

L'adresse préférée des Brestois amoureux des livres ? La librairie Dialogues, un «lieu de perdition et de plaisir» à la devanture transparente, comme l'immense coupole qui coiffe la maison à l'enseigne « jaune ciré », la fameuse couleur locale. D'emblée, le visiteur est séduit par un vaste espace lumineux sur deux niveaux, meublé d'un nombre impressionnant de canapés bleus. Tout invite à se caler au milieu des livres, à choisir le sien et, pourquoi pas, à le dévorer sur place. Maître des lieux, Charles Kermarec (51 ans) résume son succès par trois mots : compétence, accueil, confort des lieux, auxquels il convient d'ajouter les relations amicales qu'il entretient avec sa soixantaine d'employés. Dont 17 libraires passionnés et responsables. L'alchimie entre libraire, lecteur et le livre est telle que Dialogues se hisse parmi les cinq premières librairies de province. « On ne tient pas dans ce métier si on n'aime pas les bouquins », insiste Charles Kermarec. Issu d'une famille de paysans de Saint-Renan, c'est parce qu'il s'ennuyait dans un cabinet d'avocats qu'il s'est associé avec sa soeur, en 1976. Vingt-trois ans plus tard, la «librairie de quartier» est devenue une institution qui fait un chiffre d'affaires de 65 millions de francs et dont les bénéfices sont réinvestis dans la publicité et reversés en partie sous forme de primes d'intéressement aux employés. La clientèle ­ «des amis!» ­ est évaluée à 90 000 personnes dont la moitié a moins de 25 ans. Présent «du matin au soir, tous les jours de la semaine», Charles Kermarec se prive de sommeil pour lire dès l'aube. Ses dernières découvertes ? «J'aime l'univers de Philippe S. Hadengue, chez Pauvert. Il distille ses mots au milligramme près, à la manière d'un pharmacien. Et "La Sculpture du vivant" de Jean-Claude Ameisen au Seuil, un livre de science philosophique et poétique.» Ces livres ont droit au bandeau maison désignant le choix Dialogues, autre atout de la librairie pour guider le client. Charles Kermarec ne craint rien ni personne, surtout pas l'installation de la Fnac qui «tôt ou tard viendra aussi à Brest». Pour lui, «le plaisir de lire est irremplaçable. Internet n'y peut rien. Il est tout de même plus confortable de découvrir un livre bien calé dans un fauteuil que sur un écran d'ordinateur, en clignant les yeux».

Ruth Valentini.

 

Nouvel Observateur - N°1825

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